Bruce Chatwin
(Extraits)
Les Indiens Araucans
Il y a cent ans les Araucans étaient incroyablement cruels et courageux. Ils se peignaient le corps en rouge, écorchaient vif leurs victimes et buvaient leur sang à même le cœur des morts. On éduquait les garçons à base de hockey, d’équitation, d’alcool, d’insolence et de performances sexuelles, et durant trois siècles ils rendirent les Espagnols fous de terreur. Au XVI’ siècle Alonso de Ercilla écrivit une épopée en leur honneur et l’intitula Araucana. Voltaire la lut et par son intermédiaire les Araucans devinrent candidats au titre de « bons sauvages » (version dure). Les Araucans sont toujours très durs et le seraient encore plus s’ils s’arrêtaient de boire. |
Au printemps de 1859 l’avoué Orélie-Antoine de Tounens ferma les volets gris de la rue Hiéras à Périgeux, jeta un dernier regard sur le profil byzantin de la cathédrale et partit pour l’Angleterre […]. Huitième fils de fermiers qui habitaient une gentilhommière délabrée du hameau de La Chèze près du hameau de Las Fount, il avait alors trente-trois ans (l’âge où meurent les génies), […] […] En lisant Voltaire il avait découvert les strophes maladroites de l’épopée d’Ercilla et, à travers elles, l’existence des tribus indomptées au Sud chilien : mais leurs traits sont fort et bien prononcés. Ils ont les épaules larges, la poitrine élevée, les bras robustes et musculeux. Opiniâtres, vaillants, téméraires et durs à la fatigue, ils supportent également La faim, les cruelles rigueurs du froid Et les chaleurs les plus accablantes.² ². Traduction française de Gilibert de Merlhiac, 1824. |